Si vous vous sentez indécis quant au choix de votre toile de projection, ce petit guide pourrait vous être utile...
Pour commencer, qu'entend on par luminosité ?
Depuis les expériences menées par Young au début du dix-neuvième siècle, on sait que la lumière possède à la fois les propriétés d'une onde et de particules. Elle peut donc être quantifiée. Le flux lumineux est composé de photons (particules sans masse) dont la quantité peut être mesurée. L'unité de mesure couramment utilisée est le lumen. Plus la valeur en lumen est élevée, plus le flux lumineux sera important, et donc plus il sera visible.
Quelle luminosité requiert votre projecteur ?
Cela dépend entièrement de l'environnement. Dans une obscurité totale, même un faible flux lumineux peut être parfaitement visible, c'est pourquoi nous pouvons observer les étoiles situées à des milliards d'années-lumière. Cependant, dans une salle sombre spécialement dédiée, il n'est pas nécessaire d'avoir une forte puissance lumineuse. De nombreux projecteurs destinés au home cinéma proposent moins de 2000 lumens sans que cela ne pose de problème. En revanche, dès lors que l'on souhaite projeter dans un environnement avec une lumière ambiante, la donne change. Un rayon de soleil non filtré (sans nuage, rideau, etc.) atteint les 100 000 lumens ! Aucun projecteur ne peut rivaliser avec cela. Naturellement, il est peu probable que vous placiez votre écran en plein soleil, mais même par une journée grise et sans exposition directe, le flux lumineux susceptible de perturber la projection peut aisément dépasser les 10 000 lumens. Il n'est donc pas surprenant qu'un flux de 2 000 lumens provenant d'un projecteur ait du mal à se distinguer au milieu de 10 000 lumens de lumière ambiante.
Est-ce exact que la calibration diminue la luminosité ?
Oui, c'est vrai. Qu'il s'agisse d'un projecteur DLP ou LCD, qu'il utilise une lampe traditionnelle ou un laser, il produit des couleurs en mélangeant du rouge, du vert et du bleu, le fameux RVB. La calibration vise à équilibrer ces trois composantes pour obtenir une reproduction parfaite des couleurs (on utilise généralement des mires de référence pour comparer le rendu du projecteur à une norme optimale). Équilibrer signifie en réalité réduire plus ou moins les composantes RVB jusqu'à trouver le compromis idéal. Pourquoi réduire ? Tout simplement parce qu'il n'existe pas d'autre moyen. Comment augmenter le flux provenant de la lampe sans toucher à la tension (ce qui ne serait pas apprécié) ? Ainsi, oui, pour équilibrer les composantes, il faut réduire celles qui seraient trop prépondérantes, car il n'est pas possible d'augmenter celles qui seraient trop faibles. En conclusion, une calibration entraîne invariablement une diminution du flux lumineux. Certains avancent des chiffres allant jusqu'à 40%. Cela n'est pas systématique, mais une réduction de l'ordre de 15 à 20% est facilement atteignable, et dans des cas extrêmes, pourquoi pas 40% ? Cependant, il s'agit vraiment d'une situation exceptionnelle...
Et en ce qui concerne la distance de projection ?
Encore une fois, tout dépend de l'environnement. Dans une pièce de vie avec plusieurs baies vitrées, il est évident que plus on s'éloigne, plus le flux lumineux du projecteur doit traverser de lumière naturelle (encore une fois, à 10, 15, voire 20 000 lumens). Ainsi, la lumière du projecteur se disperse dans la lumière ambiante. Ce n'est pas la distance en elle-même qui diminue la luminosité, mais plutôt l'abondance de lumière parasite. Cela signifie que dans une pièce spécialement dédiée - donc parfaitement sombre - la distance n'a absolument aucune incidence. La lumière parcourt 300 000 kilomètres par seconde, elle se soucie peu des 5 ou 6 mètres de votre salle obscure !
A présent, passons à l'écran...
Qu'est-ce qu'une toile technique (ou ALR pour ambiant light rejecting) ?
Une toile technique est spécialement conçue pour diriger la lumière latérale vers les bords et la lumière axiale (provenant du projecteur) vers le centre. Cela semble simple à expliquer, bien que la réalisation pratique soit bien plus complexe. Il existe diverses solutions ; la toile Radiance de Screenline, par exemple, est monobloc et utilise des microparticules métalliques pour produire l'effet ALR, tandis que d'autres toiles de marques différentes sont multicouches, signifiant qu'elles sont constituées de différentes couches superposées pour générer l'effet ALR. C'est pourquoi Radiance est considérablement plus abordable, ce qui se comprend aisément.
Cependant, là où cela se complique, c'est que les toiles techniques possèdent d'autres caractéristiques induites, certaines plus désirables que d'autres.
La première, et la moins souhaitable, est que jusqu'à présent, toutes les toiles ALR sont grises, pour des raisons techniques. Un rappel rapide sur les couleurs : le blanc représente l'absence d'absorption de lumière (luminosité à 100%) ; le noir signifie l'absorption totale de la lumière (luminosité à 0%), et entre les deux... il existe au moins cinquante nuances de gris ! Une toile grise est donc une toile qui absorbe une certaine quantité de lumière sans la réfléchir. En général, les toiles ALR absorbent environ 40 à 45% de la lumière ; plus la toile est sombre, plus l'absorption est élevée. Il s'agit d'une caractéristique physique de la lumière, que personne ne peut modifier.
En revanche, la deuxième caractéristique induite est que la structure grise de la toile favorise le niveau de contraste, c'est-à-dire la différenciation des noirs. Toutes les toiles grises offrent cet effet, qu'elles soient ALR ou non. Il faut admettre qu'une fois qu'on y a goûté, à moins d'aimer véritablement les couleurs très vives, on ne peut plus s'en passer. En particulier, la toile grise atténue ce que j'appelle "l'effet spot". Prenons un concert ordinaire. À un moment donné, la caméra va forcément capturer un projecteur en plein axe. Sur une toile blanche, cela crée un éclat surpuissant et honnêtement, à ce moment-là, on a du mal à distinguer la couleur du projecteur. Ce n'est pas très agréable. Cependant, avec une toile grise, l'effet est considérablement atténué. Non seulement on n'a plus un flash dans les yeux, mais on peut désormais percevoir la couleur du projecteur. Selon nos statistiques, au moins 95% des visiteurs de notre salle préfèrent la toile grise.
Troisième effet induit : à présent que les lampes laser deviennent de plus en plus la norme, nous découvrons que le laser, tout comme les LED des écrans plats, a tendance à renforcer le ton bleuté de l'image. Cet effet est considérablement réduit par la toile grise. Il s'agit d'un élément de confort qu'il ne faut pas négliger.
Alors, est-ce que le gain permet de compenser la perte lumineuse ?

Comme vous pouvez le constater, l'échelle est loin d'être linéaire. Si l'on revient à une échelle linéaire, cela ressemblerait à ceci :

Et là, on se rend compte que plus on augmente la luminosité au centre, ... plus elle diminue sur les côtés, et cela de manière significative. On aurait pu s'en douter, car il est bien précisé qu'aucune toile ne peut générer de la lumière ! Cela dit, les toiles à gain élevé étaient initialement conçues pour des utilisations dites de "retroprojection" (projection par l'arrière), lesquelles sont le plus souvent employées sur des scènes. Comme le public est situé à une distance considérable, l'angle de vision est assez restreint. Ainsi, le choix d'une concentration maximale de lumière au centre est logique, à condition de parvenir à éviter l'effet de halo, appelé "hot spot", en son centre. Mais qu'en est-il d'une toile de cinéma de 3,60 mètres de large avec une distance de recul de 5 mètres ? Eh bien, ce n'est plus du tout la même histoire.
Revenons au point de départ, avec un projecteur de 3000 lumens sur un écran de 3 mètres - cela ne sert que d'exemple. Si la toile est très blanche et non traitée, elle va réfléchir les 3000 lumens de manière uniforme sur toute sa surface.

Alors, à quoi sert le gain ?
Ou plutôt, quelle est la nécessité d'un gain élevé dans l'axe de projection ? Nous avons mentionné que la courbe de gain représente la répartition de la lumière réfléchie dans l'espace de la pièce. Toutefois, il est important de noter que jusqu'à présent, nous avons parlé de la "lumière" comme s'il s'agissait d'une substance homogène et indistincte, ce qui n'est absolument pas le cas. La lumière porte les images, et par conséquent, elle n'est pas uniforme sur toute la surface. Pour prendre en compte l'ensemble du phénomène, il faudrait faire appel aux bonnes vieilles équations intégrales du second degré. Cependant, je dois admettre que mes cours de mathématiques supérieures sont loin derrière moi, donc je vais simplifier en considérant trois zones, chacune contenant un personnage. Disons le bandit à gauche, la belle héroïne au centre et le gentil cow-boy à droite. Le schéma (simplifié) devient :


Vous avez parfaitement compris la situation. Lorsqu'on aligne les axes pour un spectateur au centre et un autre légèrement décalé vers la gauche, on remarque que le spectateur décalé à gauche perd une partie de l'image. Il perd légèrement du "bon", considérablement de l'héroïne et une grande partie du "truand". C'est une réalité inévitable. C'est pourquoi la meilleure solution demeure une courbe aussi uniforme que possible.
En conclusion : gain élevé ou non ?
Répétons-le : toutes ces toiles ont une luminosité assez proche, d'environ 60%. Cela signifie qu'elles ne renvoient que 60% de la lumière reçue aux spectateurs en raison de leur teinte grise. Concentrer cette lumière dans une zone restreinte, en plus des risques de halo, d'effet pailleté, ou d'autres distorsions, entraîne des conséquences très indésirables. Il est donc crucial de choisir ce qui importe le plus : l'expérience cinématographique... ou le marketing. Il est bien entendu flatteur d'annoncer des chiffres de gain impressionnants, en omettant de mentionner les implications. Si vous croyez vraiment qu'une toile peut multiplier la luminosité par 2 ou 3, et que rien ne peut vous faire changer d'avis, alors cet article non plus ne le pourra pas.